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20 novembre 2012 2 20 /11 /novembre /2012 17:38

Le tire-bouchon ne figure pas dans la liste des outils essentiels du parfait globe-trotter. Une bien belle erreur. Avoir une chaussure (idéalement deux) est par contre recommandé dans les meilleurs guides de voyages. Heureusement, car si un tire-bouchon ne remplacera jamais une chaussure dans sa fonction principale, une godasse, même moche, peut sauver n'importe qu'elle soirée un peu trop bouchonnée. Illustration.

 

Nous sommes un samedi soir de juin. Une soirée chaude et ensoleillée particulièrement agréable. Je profitais d’un weekend en compagnie d’un vieil ami de collège et de sa compagne autochtone. Bambi, mon poteau de Loudéac (wesh wesh), habitait à Montréal depuis presqu’un an quand je suis parti à New York. Il en avait profité pour rencontrer Marie, sa jeune tourterelle canadienne. Les deux villes étant éloignées de 500 km et des poutines, il eut été diaboliquement dommage de manquer l’occasion de se voir.

 

Ainsi Bambi arriva, le vendredi après-midi. Ainsi sa chère et tendre Marie arriva elle-aussi, un peu plus tard, après que Bambi (comme le faon de Disney, mais avec une barbe) (ce n’est pas son vrai prénom, hein) et moi-même avions échangé quelques verres de rouge-qui-tache sur le toit de mon building de travail.

 

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Vue du toit au début de la soirée.

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Un peu plus tard...

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Encore un peu plus tard...

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Oups.

 

Non seulement avais-le privilège d’être le premier de notre bande de vieilles branches loudéaciennes (wesh wesh again) à rencontrer Marie, mais en plus avais-je cet ultime privilège de la rencontrer à New York.

 

Deux jours + trois touristes dans Big Apple = un enchaînement prodigieusement rapide et bâclé de Times Square, Central Park, Empire State Building, bières, musée, Statue de la Liberté, glaces, Wall Street, bières, musée, burgers, bières, Little Italy, Chinatown, hot-dogs, Brooklyn Bridge, bières et Brooklyn Bridge Park.


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Brooklyn Bridge Park. Petit espace de verdure, paisiblement installé face à Manhattan, que viennent régulièrement chatouiller les vaguelettes de l’East River*. L’endroit idéal où poser nos fesses après une longue journée de déambulation dans la jungle urbaine. L’endroit idéal où admirer le coucher de soleil sur le panorama accidenté de buildings en sirotant un bon verre de vin.

 

Nous venions justement d’acheter une bouteille de vin blanc. Aux Etats-Unis, boire de l’alcool dans la rue est interdit, à moins de dissimiler la bouteille dans un sac en papier marron. Et si la gentille vendeuse nous a bien fourni le sac, elle a refusé de nous prêter son tire-bouchon. Connasse.

 

Nous arrivâmes donc comme trois idiots dans ce joli parc où le plus appétissant des gazons nous tendant pourtant les brindilles, mais sur lequel nous allonger aurait perdu tout son charme sans l’apéro qui va avec.

 

Heureusement mon pied droit était là. Dans un élan d’altruisme, d’empathie et de générosité, il nous a gracieusement prêté... sa chaussure ! Tous mes membres ont fait des pieds et des mains pour permettre l’ouverture de cette bouteille. Ma jambe gauche équilibrait mon corps bancal, supportant tout son poids (de cheeseburgers), tandis que ma cuisse droite soulevait mes orteils qui risquaient de se blesser s’ils venaient à titiller les tranchants gravillons de l’allée du parc. Et alors que mon bras droit tendait mon soulier à Bambi, le gauche était en plein repérage d’une prise de secours où s’agripper en cas de chute inopportune.

 

D’un contrôle habile, Bambi s’empara de la godasse et y glissa la bouteille. Le cul à la place du talon. D’une main ferme, il tenait le corps en verre. De l’autre, tenace, il agrippait la chaussure. Avant de commencer le pilonnage, il arracha d’un féroce geste de la mâchoire le papier du goulot et le cracha dans ma direction.

Suivant le mouvement imprimé par le tronc de Bambi, la bouteille-chaussure s’éleva fièrement dans les airs, puis redescendit rapidement et heurta violemment un gros rocher. Pas de pause. Bambi balança de nouveau son corps et relança la bouteille en arrière, un peu plus loin cette fois.

 

Le papier du goulot tourbillonnait dans les airs, laissant s’échapper
quelques gouttelettes de la bave de Bambi.
Il venait droit sur moi.

 

Bambi abattit de nouveau le talon de la chaussure contre la pierre rigide. Sans réaction.

 

Toujours en équilibre précaire, je regardai le papier approcher.
Mon bras droit, débarrassé de la pompe, prêtait main forte au gauche 
et cherchait lui aussi un appui de secours.
L’emballage baveux accélérait, droit sur mon visage.

 

Marie, restée en arrière, observait les scènes.
Son regard inquiet passait sans cesse du combat de Bambi à la courbe du projectile déchiqueté.

 

Troisième tentative de Bambi. Plus haut, plus vite, plus fort. Le liège frémit.
« Oaahaa ! », dit mon rageur ami.

 

Marie porta les mains à son visage et échappa un « Ouh ! ».

 

Distrait par ces cris, j’égarai un instant mon regard vers l’autre bataille.
Le papier en profita pour accélérer encore et s’abattre comme une fusée sur ma figure.

 

Marie le pointa du doigt et lança un hurlement strident pour m’alerter du danger.
Trop tard.

 

Le quatrième choc entre la bouteille capitonnée dans le soulier et le rocher
fit de nouveau se soulever le bouchon, de quelques centimètres cette fois.
Bambi transpirait et serrait les dents. Il y était presque.

 

Voyant le missile au dernier moment, je ne pus m'écarter assez pour l’éviter.
Son bord tranchant m’atteignit à la joue gauche et m’écorcha jusqu’au lobe d‘oreille.

« Aaaaaargh ! »

Une traînée de chaud liquide rouge s’échappa brusquement de ma figure.

 

« Aaaaaargh ! »
Une giclée de frais liquide clair s’échappa brusquement du goulot de la bouteille.

 

Je portai ma main gauche à ma joue blessée, ma main droite à ma main gauche,
perdis l’équilibre et tombai lamentablement au milieu de l’allée.

 

Bambi leva les bras au ciel, sortit la bouteille de la chaussure et but au goulot,
encore trempé de la sueur de son effort, une grande lampée de vin frais.

 

Marie pleurait, de joie, de peur et d’empathie à la fois.

 

Le papier continua sa route en virevoltant
comme une feuille morte ensanglantée et alla s’écraser sur une pâquerette.

 

 

*C’était avant Sandy.

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commentaires

C
<br /> C'était divertissant merci, Man VS Wild n'a rien à t'envier.<br />
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